Assemblée générale d’actionnaires à huis clos et protection de l’exercice effectif des droits des actionnaires

Écrit le
1 janvier 2021

« Une limitation des droits qui auraient pu s’exercer si les actionnaires avaient pu participer physiquement à la séance, comme celui de poser des questions en assemblée ou de demander une résolution spécifique. » Muriel de Szilbereky (Déléguée Générale de l’ANSA)

Par ordonnance n°2020-1497 en date du 2 décembre 2020, les dispositions de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 ont été prorogées, mais aussi adaptées.

L’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 s’étend jusqu’au 1er avril 2021. Toutefois elle pourra s’appliquer au-delà, par décret en Conseil d’État, et au maximum jusqu’au 31 juillet 2021.

Cette nouvelle ordonnance aura donc vocation à s’appliquer aux assemblées générales d’actionnaires des sociétés dont les comptes seront clos au 31/12/2020.

Cette ordonnance est applicable à l’ensemble des sociétés civiles et commerciales ; aux masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers ; aux groupements d’intérêt économique et des groupements européens d’intérêt économique ; aux associations et aux fondations.

Sont concernées l’ensemble des assemblées (les assemblées générales des actionnaires, des porteurs de parts, membres, sociétaires ou délégués.

Ainsi que l’ensemble des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction (les conseils d’administration, conseils de surveillance et directoires).

  1. Conditions d’application

Dans son contenu, l’ordonnance prévoit des critères d’application plus stricts que précédemment, puisque désormais il est strictement réservé la possibilité d’organiser une assemblée à huis clos aux cas dans lesquels      « les mesures restrictives en vigueur à la date de la convocation de l’assemblée ou à la date de sa réunion font effectivement et concrètement obstacle à la présence physique de ses membres. »

Désormais, il doit être privilégié la participation des membres par « voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle », et seulement à défaut de pouvoir organiser une telle participation, une assemblée à huit clos pourra être décidée.

Par suite de nombreuses critiques d’actionnaires lors de la tenu des Assemblée Générales pendant le premier confinement sur la période de mars et avril 2020, critiques relayées entre autres par l’AMF, il est désormais mis à la charge de l’organe chargé de la convocation d’assurer la retransmission de l’assemblée en direct, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission.

En tout état de cause, il doit être mettre à disposition la rediffusion de l’assemblée en différé.

  1. Modalités d’information des actionnaires

Dans l’hypothèse où la décision est prise alors que les formalités de convocation n’ont pas encore été faites, l’information des membres de l’assemblée (ainsi que celle des autres personnes ayant le droit d’y assister) peut être assurée par ce biais.

Si, au contraire, la décision est prise alors que les formalités de convocation ont déjà été faites, un régime spécifique d’information des membres de l’assemblée (et des autres personnes ayant le droit d’y assister) est prévu :

  • les formalités déjà accomplies n’ont pas à être renouvelées ;
    • les membres de l’assemblée sont informés par tous moyens permettant d’assurer leur information effective,         trois jours ouvrés au moins avant la date de l’assemblée.
  1. L’exercice du droit de vote

Les actionnaires ne pourront exercer leur droit de vote qu’à distance, avant l’assemblée générale, à savoir en :

  • votant par correspondance via un formulaire de vote ;
    • donnant un mandat de vote (également appelé « procuration ») à une personne de son choix ou à l’émetteur       sans indication de mandataire (pouvoir « en blanc ») ;
    • votant sur Internet via une plateforme de vote sécurisée, si cette modalité de vote est prévue par la société           cotée.

De telles assemblées à huis clos, se limitent donc à la constatation des voix pour chaque résolution mise à l’ordre du jour.

Si toutefois, l’Assemblée générale peut être tenue par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle, un système permettant l’identification de chacun des participants doit être mis en place afin de permettre un vote en direct garantissant la bonne prise en compte des voix de chacun.

  1. Le procès-verbal

Le procès-verbal dressé à l’issue de l’assemblée doit comporter certaines mentions :

  • s’il a été décidé de tenir l’assemblée à huis clos, le procèsverbal doit préciser « les considérations de droit et de fait qui fondent cette décision, en particulier la nature de la mesure administrative »qui justifie la tenue de l’assemblée à huis clos ;
    • si, alors que les membres de l’assemblée ont été privés de la possibilité d’y participer physiquement, il est    décidé qu’ils n’auront pas non plus la possibilité d’y participer par voie de conférence téléphonique ou          audiovisuelle, le procès-verbal doit en préciser les raisons ;

Ces informations doivent être « portées à la connaissance des actionnaires et des autres personnes ayant le droit d’assister à l’assemblée, dès que possible et par tous moyens permettant d’assurer leur information effective ».

  1. Une atteinte aux droits des actionnaires

L’ensemble de ces dispositions portent un coup aux droits des actionnaires, en leur faisant perdre de leur vigueur.

À titre d’exemple, s’agissant des droits des actionnaires s’exerçant préalablement à l’assemblée générale, les actionnaires ne perdent pas leur droit de poser des questions écrites ou de demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour, toutefois ces droits ne pourront pas être pleinement exercés faute de pouvoir être débattus en cours de séance.

En revanche, les droits des actionnaires s’exerçant pendant les assemblées générales sont clairement mis à mal. En effet, les actionnaires perdent la possibilité de poser des questions orales, de demander la modification des projets de résolution (compliquée en tout état de cause néanmoins) mais également de présenter des résolutions ayant pour objet des changements de gouvernance, entre autres.

Il ne fait aucun doute que la pratique des prochains mois va faire naître des contentieux. En effet, à l’ère de la digitalisation, une telle situation paraît pour le moins difficilement justifiable et pourrait être source de contestation.

Il est donc impératif d’assurer l’exercice effectif des droits des actionnaires en permettant la tenue dématérialisée des assemblées générales et de garantir, en toute circonstance, le droit d’y participer pleinement, en permettant un dialogue et un vote pendant l’assemblée générale.

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