Élargissement de la notion d’opération de paiement non autorisée […]

Élargissement de la notion d’opération de paiement non autorisée : Un virement dont le nom du bénéficiaire d’origine a été falsifié postérieurement à son établissement donne droit à remboursement par la Banque.

 

Cour de cassation – Chambre commerciale – 1er juin 2023 – n° 21-19.289 et n°21-21,831

 

Saisie d’une affaire dans laquelle un couple avait adressé à sa Banque deux ordres de virements écrits par courrier, la Cour de cassation est venue élargir la notion d’opération bancaire non autorisée en considérant qu’un virement, dont le bénéficiaire initial, avait été falsifié postérieurement à son établissement par un tiers, n’était pas une opération autorisée par le donneur d’ordre.

 

La notion d’opération de paiement non autorisée, qui donne droit au payeur d’obtenir le remboursement du montant de l’opération par le prestataire de services de paiement selon l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier, ne cesse d’évoluer ces dernières années du fait de la dématérialisation de ces opérations et des authentifications fortes qui accompagnent leurs réalisations à distance.

Dans l’arrêt étudié, rendu en date du 1er juin 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a été confrontée à une opération de paiement effectuée de manière « ancienne » : En 2015, un couple avait adressé à sa Banque, par lettre simple et sur papier, deux ordres de virements pour des montants de 14 000 € et 86 000 €, à exécuter au bénéfice d’une personne dont les coordonnées et l’identification du compte étaient mentionnées sur les ordres écrits.

Or, peu de temps après l’opération, les donneurs d’ordres ont constaté que les fonds virés n’avaient pas été crédités sur le compte du bénéficiaire qu’ils avaient désigné mais qu’ils avaient été versés sur le compte d’un tiers, et ce, à la suite d’une modification malveillante du numéro IBAN du bénéficiaire figurant sur les ordres de virement.

Le couple ayant donné les ordres de virement a alors assigné sa Banque en remboursement des opérations qu’il considérait comme non autorisées du fait de la falsification du bénéficiaire d’origine.

La Cour d’appel de Paris, saisie de cette affaire dans un premier temps, a débouté le couple donneur d’ordre de sa demande de remboursement en retenant qu’un virement falsifié après sa rédaction régulière ne constituait pas un virement « non autorisé », au sens des articles L. 133-18 et L. 133-24 du Code monétaire et financier, qui ne pourrait être qu’un ordre de virement faux « ab initio » (dès l’origine).

La Cour d’appel de Paris ne donnait par conséquent pas droit au remboursement par la Banque prévu par le texte précité dans le cas des ordres de virement autorisés à l’origine mais falsifiés par la suite, de sorte que seule la responsabilité pour faute de la Banque pouvait être recherchée pour obtenir, le cas échéant, une réparation pour les payeurs.

Toutefois, le couple donneur d’ordre a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt qui les avait déboutés de leur demande de remboursement.

Pour casser l’arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation retiendra, au visa des textes précités, « qu’une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de service de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti à son bénéficiaire ».

Ainsi, l’absence de consentement au bénéficiaire d’un ordre de paiement a pour effet de rendre cet ordre non autorisé.

Dès lors, la Cour de cassation retient que ne constitue pas une opération autorisée (et par voie de conséquence constitue une opération non autorisée telle que prévue par l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier) un ordre de virement régulier lors de sa rédaction, mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été ultérieurement modifié par un tiers à l’insu du donneur d’ordre.

La Haute Juridiction met ici fin au doute sur la qualification d’opération non autorisée en ne distinguant pas si l’opération consiste en un ordre de virement faux « ab initio » (dès l’origine) ou en un ordre de virement régulier lors de son établissement et falsifié par la suite.

Par conséquent, cet élargissement de la notion d’opération non autorisée permet de faire bénéficier le donneur d’un ordre de paiement falsifié du droit au remboursement immédiat de l’opération non autorisée, sans même avoir à rechercher la responsabilité de la Banque pour faute.

Toutefois, il convient de préciser que les faits sur lesquels repose cette décision correspondent à une pratique de virement qui devient de plus en plus rare (à savoir une demande de virement sur papier adressé par courrier postal à la Banque) face aux ordres de paiement donnés de manière dématérialisée avec des authentifications fortes qui limitent le risque de fraude.

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