Bail commercial : L’offre de renouvellement à des clauses différentes vaut refus de renouvellement

La Cour de cassation a jugé que, lorsque le propriétaire notifie un congé qui inclut une proposition de renouvellement du bail commercial, mais avec des clauses et des conditions qui diffèrent de celles du bail arrivé à expiration, cela doit être interprété comme un congé refusant le renouvellement, donnant ainsi au locataire le droit à une indemnité d’éviction. (Civ. 3e, 11 janv. 2024 n° 22-20.872)

 

Dans cette affaire, un bail commercial portant sur un local à usage de restaurant a été conclu le 15 janvier 1999. Le 29 avril 2016, la bailleresse a délivré un congé avec offre de renouvellement subordonnée, notamment, à la modification de la contenance des lieux loués et à des obligations d’entretien des locataires.

Les locataires ont restitué les lieux loués et ont assigné la bailleresse en paiement d’une indemnité d’éviction.

Bien que la Cour d’appel ait admis que les modifications auxquelles la bailleresse entendait subordonner l’offre de renouvellement, qui portaient atteinte à la fois à la contenance des lieux loués et aux obligations du preneur, ne pouvaient s’inscrire valablement dans le cadre d’un congé avec offre de renouvellement, elle a retenu que le congé exprimait néanmoins une offre de régularisation d’un nouveau bail, de sorte qu’il ne pouvait s’analyser en un congé sans offre de renouvellement.

Les juges de première instance ont jugé que le congé donné était invalide et que le fait que les locataires soient restés dans les locaux sans contester le bail à l’issue de sa période initiale, jusqu’à leur départ volontaire, les empêchaient de réclamer une indemnité d’éviction.

La Cour de cassation, au visa de l’article 1103 du code civil, qui dispose que les contrats établissent les règles entre les parties, ainsi que sur les articles L. 145-8 et L. 145-9 du code de commerce traitant respectivement du droit au renouvellement du bail et des conditions du congé, a cassé l’arrêt en considérant que :

« le renouvellement du bail commercial s’opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix » Elle en a déduit « qu’un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction ».

Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que si un congé inclut une proposition de renouvellement pour un bail commercial, mais avec des termes et conditions modifiés par rapport au bail précédent, cela nécessite une requalification.

Un tel congé, qui propose des modifications par rapport au bail expiré, doit être interprété comme un refus de renouvellement. En conséquence, cela ouvre le droit pour le locataire de solliciter une indemnité d’éviction.

Pour mémoire, le droit de renouvellement pour un bail commercial est protégé par des dispositions d’ordre public, ce qui signifie que toute tentative contractuelle de s’y soustraire, comme le confirme l’article L.145-15 du Code de commerce, est considérée comme nulle. Néanmoins, l’invocation de ce droit n’est pas automatique.

Toutefois le locataire doit remplir certaines conditions préalables énumérées à l’article L.145-1 du Code de commerce :

  • Existence d’un bail portant sur immeuble ou un local,
  • Immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
  • Le locataire doit être propriétaire du fonds ;
  • Le fonds doit avoir été exploité de façon depuis au moins 3 ans.

S’agissant de cette dernière condition, l’exploitation du fonds de commerce se doit d’être effective et continue pendant au moins trois ans précédant la fin du bail ou sa prolongation tacite, sauf exceptions justifiées et reconnues légitimes par les tribunaux (par exemple, problèmes de santé, procédures collectives affectant le locataire, etc.).

L’exploitation continue est un critère déterminant pour l’accès au renouvellement, indépendamment du fait que le fonds ait changé de propriétaire durant cette période : l’acheteur d’un fonds peut se prévaloir de la période d’exploitation de l’ancien propriétaire pour revendiquer le droit au renouvellement.

Toutefois, si le droit au bail est cédé durant les trois dernières années du contrat, la jurisprudence de la Cour de cassation interdit au nouveau propriétaire de cumuler la période d’exploitation avec celle de son prédécesseur pour atteindre la durée requise.

Le renouvellement ne peut être demandé que si le nouveau propriétaire a lui-même exploité le fonds pendant trois ans. Pour éviter de perdre le droit au renouvellement en raison d’une période d’exploitation insuffisante, le cessionnaire peut chercher à obtenir une renonciation de cette condition de la part du bailleur ou effectuer la cession après un renouvellement du bail.

 

Il sera nécessaire d’apprécier l’impact de cette jurisprudence, puisque les conséquences d’un congé avec offre de renouvellement diffèrent de celles d’un congé de refus de renouvellement. Or, la nature de l’acte traduit le comportement à adopter, notamment du point de vue de la prescription.

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