Droit des contrats : rappel utile de la 3ème Chambre Civile

À l’aube de l’été, la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation est venue rappeler un principe essentiel du Droit des contrats qu’il nous a semblé intéressant d’évoquer.

Depuis la publication de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le nouvel article 1225 du Code civil prévoit que « la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat ».

Cette nouvelle disposition n’avait pas manqué d’interpeller les praticiens rédacteurs que nous sommes.

Une interprétation stricte par le Juge aurait pu entraîner une remise en cause « des clauses-balais » figurant dans de nombreux contrats au terme desquels un manquement contractuel quelconque sera de nature à entraîner la résiliation du contrat.

Questionnée, la commission des lois avait été, à l’époque, été amenée à préciser que :

« Le texte autorise la survivance de ces clauses dites « balais ». Il exige seulement que la clause exprime les cas dans lesquels elle jouera et ne s’oppose donc pas à l’insertion d’une clause qui préciserait qu’elle jouera en cas d’inexécution de toute obligation prévue au contrat. La jurisprudence antérieure validant ce type de clause a donc vocation à survivre »[1].

De fait, une telle jurisprudence perdure.

Par ailleurs, l’encadrement des clauses résolutoires aurait pu laisser craindre en pratique l’inefficacité de la résolution par voie de notification, aujourd’hui prévue par l’article 1226 du Code civil.

Dans l’hypothèse de mise en jeu de la clause résolutoire, la rupture du contrat est traditionnellement, et sauf exception, subordonnée à une mise en demeure préalable visant expressément ladite clause – en matière de baux commerciaux plus précisément un commandement – et demeurée infructueuse.

En marge de cet aménagement contractuel, le créancier de l’obligation inexécutée dispose en vertu de l’article 1226 du Code civil, de la possibilité de notifier à son co-contractant défaillant la résolution du contrat à ses risques et périls, par voie de notification. Dans ce cas également, et sauf urgence, il lui appartient de mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son obligation dans un délai raisonnable.

Par un arrêt de rejet rendu le 8 juin 2023 (Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2023, n°22-13.469), la Cour de cassation a rappelé que la clause de résiliation expressément stipulée au contrat ne privait pas le créancier de l’obligation inexécutée de résilier le contrat en raison de la gravité du comportement du débiteur.

En l’espèce, il s’agissait d’un marché privé de travaux de forage d’un lot géothermie, conclu entre une entreprise et son sous-traitant. Le contrat prévoyait expressément qu’ « en cas de manquement par l’une des parties aux obligations contractuelles lui incombant et qui resterait non réparé dans un délai de 10 jours francs à compter de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant le manquement en cause, l’autre partie pourra faire valoir et se prévaloir par pli recommandé avec accusé de réception de la résiliation du contrat ».

Or, l’entreprise principale avait relevé des retards d’exécution de la part de son sous-traitant.

Après mise en demeure infructueuse, l’entreprise a suspendu ses paiements et mandaté une autre société aux lieu et place du sous-traitant défaillant qui l’a ultérieurement poursuivie en paiement.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le sous-traitant en retenant que la rupture unilatérale sans respect du délai de 10 jours francs était justifiée en raison :

  • Des délais d’exécution qui n’avaient pas été respectés par le sous-traitant
  • Du retard qui est imputable au sous-traitant
  • Des difficultés, certes rencontrées par le sous-traitant dans l’exécution de sa mission, mais qu’il avait acceptées et qu’il n’a jamais remis en cause au cours de l’exécution du contrat

Bien que rendu sous l’empire d’un droit antérieur, l’Arrêt confirme donc qu’en marge des procédures encadrées contractuellement, le mécanisme de résolution pour inexécution demeure en tout état de cause un fondement autonome à disposition du créancier victime de l’inexécution contractuelle en cas d’inexécution grave.

Ce rappel utile de la haute juridiction permet de conclure que la clause résolutoire stipulée au contrat peut :

  • d’une part avoir un objet très large, les clauses-balai demeurant valables sous certaines réserves
  • d’autre part, ne fais pas obstacle à la possibilité qu’à le créancier de l’obligation inexécutée de mettre en œuvre d’autres voies de résolution.

Rappel utile cependant : la résiliation s’effectue aux risques et périls de la partie lésée, et qu’il demeure essentiel de se faire accompagner pour sa mise en œuvre.

A bon entendeur ….

[1] Rapport n°22 (2017-2018) de M. François PILLET

 

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