La reconnaissance et l’encadrement simultané de la présomption de reclassement

Cass. Soc., 26 janvier 2022, n°20-20.369

Aux termes de son arrêt du 26 janvier 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail, conformément à l’article L. 1226-10 du Code du travail.

En reconnaissant l’existence de cette présomption de reclassement, la Cour de cassation tire les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article L. 1226-12 du Code du travail, issue de la loi du 8 août 2016, qui dispose :

« L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ».

Il en ressort que désormais, si le salarié refuse une offre de reclassement remplissant les critères de l’article L 1226-10 du Code du travail, l’employeur est fondé à le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Ce faisant, cette décision de la chambre sociale vient rompre avec la tradition jurisprudentielle puisqu’il était classiquement jugé que le refus d’un poste de reclassement par un salarié inapte ne constituait pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc., 26 janvier 2011, n°09-43.193) et que suite à un refus du salarié, le licenciement ne pouvait être envisagé qu’après épuisement des recherches (Cass. Soc., 18 avril 2000, n°98-40.314).

Toutefois, cette reconnaissance d’une présomption de reclassement s’est directement accompagnée d’un strict encadrement.

En effet, la chambre sociale a immédiatement souligné que :

« La présomption instituée par ce texte ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi ».

S’inscrivant dans une jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que la recherche de reclassement doit être conduite loyalement, en application de l’article 1104 du Code civil (Cass. Soc., 7 mai 2014, n°13-10.808 ; Cass. Soc., 27 novembre 2019, n°18-16.400).

Il en résulte, en dépit de l’utilisation du singulier « un emploi », que pour être jugée loyale, la recherche de reclassement ne saurait se limiter à une seule proposition et devrait porter sur l’ensemble des postes disponibles et conformes aux préconisations du médecin du travail.

En ce sens l’avocat général a particulièrement insisté, dans son avis, sur l’objet de la loi – qui est de permettre le reclassement du salarié si cela est possible – et sur la nécessité pour le juge de pouvoir procéder à un examen approfondi de la situation.

Dès lors, loin d’alléger l’obligation de reclassement, cet arrêt a le mérite de préciser à quelles conditions l’employeur peut prétendre bénéficier de la présomption.

Ainsi, il lui appartient de veiller – pour que l’obligation de reclassement soit réputée satisfaite – à ce que l’offre de reclassement :

– porte sur un emploi approprié aux capacités du salarié, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ;
– tienne compte des préconisations et indications du médecin du travail ;
– soit proposée loyalement au salarié.

Ces actualités pourraient également vous intéresser
L’Actu by NMCG – Octobre 2023
L'actu by NMCG
L'Actu by NMCG - Octobre 2023
Un mois pour donner à ses salariés temporaires la liste des postes pérennes
Article
Un mois pour donner à ses salariés temporaires la liste des postes pérennes
L’obligation d’information à communiquer à l’embauche désormais précisée
Article
L’obligation d’information à communiquer à l’embauche désormais précisée
Accident du travail et télétravail : une application stricte de la présomption légale d’imputabilité
Article
Accident du travail et télétravail : une application stricte de la présomption légale d’imputabilité
Avis d’inaptitude et reclassement : attention à la rédaction de l’avis
Article
Avis d’inaptitude et reclassement : attention à la rédaction de l’avis
Le scandale des avis d’aptitude avec réserves
Article
Le scandale des avis d’aptitude avec réserves
Le retour en force du préjudice nécessaire
Article
Le retour en force du préjudice nécessaire
L’affectation à un poste distinct de manière non temporaire et non contractualisée […]
Article
L’affectation à un poste distinct de manière non temporaire et non contractualisée [...]
Enregistrements de l’entretien préalable au licenciement : où en est-on ?
Article
Enregistrements de l’entretien préalable au licenciement : où en est-on ?
Congés payés et maladie : Ce que vous devez savoir après les arrêts du 13 septembre !
Article
Congés payés et maladie : Ce que vous devez  savoir après les arrêts du 13 septembre !
L’entretien professionnel et l’entretien d’évaluation peuvent-ils se tenir le même jour ?
Article
L’entretien professionnel et l’entretien  d’évaluation peuvent-ils se tenir le même jour ?
La Transition écologique à la rencontre du Droit du travail
Article
La Transition écologique à la rencontre du Droit du travail
Employeurs français, veillez à ne pas négliger la langue de Molière…
Article
Employeurs français, veillez à ne pas négliger la langue de Molière...
La clause de mobilité : pas d’atteinte au droit fondamental à la vie personnelle et familiale du salarié
Article
La clause de mobilité : pas d’atteinte au droit fondamental à la vie personnelle et familiale du salarié
La convention collective mentionnée dans le contrat de travail […]
Article
La convention collective mentionnée dans le contrat de travail [...]
Pas d’audition des salariés dans le cadre d’une expertise diligentée par le CSE sans l’accord exprès de l’employeur
Article
Pas d’audition des salariés dans le cadre d’une expertise diligentée par le CSE sans l’accord exprès de l’employeur
Les Distinctions