L’aggravation du préjudice par faute de la victime est indifférente sur le quantum de son indemnisation

Écrit le
19 juillet 2021

Cass. Civ., 1ère , 2 juin 2021, n°19-19.349

La faute de la victime ayant contribué à l’aggravation de son préjudice ne peut donner lieu à une diminution de son indemnisation, sauf à démontrer que ladite faute en était la cause.

En l’espèce, un incendie a entièrement détruit une habitation. L’expert missionné en a attribué la cause à une rupture sur le réseau électrique imputable au fournisseur d’électricité.

Si les juges de première instance ont déclaré intégralement responsable le fournisseur d’électricité du dommage causé, la Cour d’appel a limité cette responsabilité à 60 %.

Elle a considéré que les propriétaires avaient commis une faute en faisant installer un dispositif destiné au réarmement automatique du disjoncteur. Selon le rapport d’expertise, cet appareil ne répondait pas aux normes et a été un facteur « aggravant » du sinistre.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, notamment au visa de l’article 1245-12 du Code civil selon lequel « la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ».

En effet, la Cour de cassation considère que la faute des propriétaires, même constituée par l’installation d’un dispositif dangereux, « n’avait pas causé le dommage et l’avait seulement aggravé ».

Par conséquent, l’indemnisation des propriétaires ne pouvait être diminuée du fait de l’installation litigieuse.

Le présent arrêt suit a priori une application littérale des dispositions de l’article 1386-13 ancien du Code civil, nouveau 1245-12, qui exige la conjonction du défaut du produit et de la faute de la victime dans la mise en œuvre d’une exonération de responsabilité.

Seule, l’aggravation du dommage par faute de la victime, ne serait pas exonératoire.

Toutefois, cette jurisprudence pourrait ne pas être réitérée à l’avenir par la Cour de cassation.

En effet, la réforme annoncée de la responsabilité civile devrait faire évoluer la législation sur ce point.

L’article 1264 de la proposition de loi du Sénat (Proposition de loi, Sénat, 2020, n° 678) conseille de modifier l’article 1245-12 actuel et de le rédiger de la manière suivante : « les dommages et intérêts peuvent être réduits lorsque la victime n’a pas pris les mesures sûres, raisonnables et proportionnées, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l’aggravation de son préjudice ».

Cette évolution est inspirée de nombreux droits européens qui ont déjà intégré le principe de minimisation du préjudice par la victime. Elle entrainerait un changement complet de paradigme et à n’en pas douter une jurisprudence fournie.

La réforme de la responsabilité civile est très attendue par les praticiens puisqu’elle devrait apporter de nombreux changements à la matière.

Affaire à suivre …

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