Le déclin de l’immunité disciplinaire du salarié pour un fait étranger à l’exécution du contrat de travail

Cass. Soc., 19 janvier 2022, n°20-19.742

Par son arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation vient mettre un frein au principe d’autonomie de la vie personnelle et de la vie professionnelle du salarié.

Selon une jurisprudence constante, « le fait imputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne p[eut] constituer une faute » (Cass. soc., 16 décembre 1997, n°95-41.326 ; Cass. soc., 26 septembre 2001, n°99-43.636 ; Cass. Soc., 19 décembre 2007, n°06-41.731).

Il en résulte qu’en principe, l’employeur ne peut engager un licenciement disciplinaire à l’encontre d’un salarié en se fondant sur des faits tirés sur la vie personnelle de ce dernier (Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256).

Par exception, certains faits relevant de la vie personnelle du salarié peuvent justifier des sanctions disciplinaires dont le licenciement – dès lors qu’ils constituent un manquement à une obligation contractuelle ou qu’ils se rattachent à sa vie professionnelle.

Si le critère du manquement à une obligation contractuelle ne pose pas de difficulté, celui du rattachement à la vie professionnelle peut s’avérer délicat puisqu’il implique une forte casuistique.

En l’espèce, un salarié qui s’était rendu à un salon professionnel avec son véhicule de fonction avait eu un accident, lié à sa consommation d’alcool, à la suite duquel il ne disposait plus de son permis.

Se fondant sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, suivant laquelle le retrait ou la suspension du permis de conduire par un salarié utilisant un véhicule dans l’exercice de ses fonctions ne saurait être regardé comme un manquement contractuel (Cass. soc., 3 mai 2011, n°09-67.464), le salarié contestait son licenciement intervenu pour faute grave.

Sans revenir sur le principe posé en 2011, la Cour de cassation a confirmé la position retenue par les juges du fond, lesquels ont considéré que le licenciement pour faute grave était bien fondé dans la mesure où les faits tirés de la vie personnelle se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.

En effet, un faisceau d’indices caractérisait ce rattachement à la vie professionnelle : « les faits visés dans la lettre de licenciement (…) avaient été commis, alors [que le salarié] conduisait sous l’empire d’un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d’un salon professionnel, où il s’était rendu sur instruction de son employeur ».

Comme en atteste cet arrêt du 19 janvier 2022, l’immunité disciplinaire du salarié pour des faits tirés de sa vie personnelle n’est pas absolue et l’employeur est bien fondé à le licencier pour faute grave dès lors qu’il parvient à réunir un faisceau d’indices caractérisant leur rattachement à sa vie professionnelle.

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