Le projet de loi sur le partage de la valeur

Le Gouvernement a transposé le contenu de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur qui a été conclu le 10 février 2023 entre les partenaires sociaux (le MEDEF, la CPME, l’U2P, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC).

 

Pour mémoire, le Gouvernement s’était engagé à effectuer la « transcription fidèle et totale dans la loi » de l’ANI sur le partage de la valeur, et c’est dans ce sens que le texte a été présenté au Conseil des ministres du 24 mai 2023. L’objectif visé par cet accord est de dynamiser le partage de la valeur en entreprise, tout en rappelant le principe de non-substitution, en vertu duquel les sommes versées au titre du partage de la valeur ne doivent pas se substituer aux salaires.

 

Le projet de loi est composé de 15 articles répartis en 4 axes : renforcer le dialogue social sur les classifications des emplois ; faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ; simplifier la mise en place de dispositifs de partage et développer l’actionnariat salarié.

 

Voici les principales mesures du projet de loi qui ont été examinées par l’Assemblée Générale à compter du 26 juin 2023 dans le cadre de la procédure accélérée :

 

  • Un mécanisme de partage de la valeur serait expérimenté pendant 5 ans dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés. Dès lors qu’elles réaliseraient pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires, elles devraient mettre en place, au cours de l’exercice suivant, l’un des dispositifs suivants : un régime de participation ou d’intéressement, un abondement à un plan d’épargne salariale ou d’épargne retraite ou une prime de partage de la valeur (PPV) ;

 

  • Les entreprises d’au moins 50 salariés devraient ouvrir une négociation sur le partage de la valeur en cas de résultats «exceptionnels» . Une entreprise qui ouvrirait une négociation sur la participation ou l’intéressement devrait également négocier, à cette occasion, sur la définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l’entreprise et sur les modalités d’un partage de la valeur si cette augmentation exceptionnelle survient. Le partage de la valeur pourrait prendre la forme d’un supplément de participation ou d’intéressement ou de l’ouverture d’une négociation pour mettre en place un régime d’intéressement, un abondement à un plan d’épargne salariale ou retraite ou encore une PPV. Les entreprises déjà dotées d’un régime de participation ou d’intéressement devraient ouvrir cette négociation avant le 30 juin 2024 ;

 

  • Un plan de «partage de la valorisation de lentreprise» pourrait être mis en place dans une entreprise, par un accord conclu selon les modalités prévues pour un accord de participation. Il consisterait à verser à tous les salariés ayant une ancienneté d’au moins 12 mois une prime calculée en fonction de l’augmentation de la valeur de l’entreprise constatée sur une période de 3 années définie par le plan. Le dispositif pourrait aussi être mis en place au niveau d’un groupe. La prime, plafonnée, bénéficierait d’une exonération de cotisations sociales et également d’une exonération d’impôt sur le revenu en cas d’affectation à un plan d’épargne salariale ou retraite ;

 

  • Le dispositif de prime de partage de la valeur (PPV) issue de la loi « pouvoir d’achat » du 16 août dernier serait modifié. Les entreprises pourraient verser chaque année deux PPV, bénéficiant au total d’une exonération de cotisations sociales dans les mêmes limites qu’actuellement (3000 ou 6000 selon les cas). L’exonération d’impôt sur le revenu pour les salariés percevant une rémunération inférieure à 3 fois le smic annuel serait prolongée à partir du 1er janvier 2024 mais seulement dans les entreprises de moins de 50 salariés ;

 

  • Une participation aux résultats moins favorable que la formule légale serait expérimentée pendant 5 ans dans les entreprises de moins de 50 salariés. Elle pourrait être mise en place de façon volontaire ou bien par adhésion de l’entreprise à un accord de branche qui prévoirait une formule de calcul moins favorable que la formule légale, les branches étant tenues d’ouvrir une négociation en ce sens avant le 1er juillet 2024. Les entreprises déjà dotées de la participation devraient passer par un accord pour établir un régime moins favorable ;

 

  • Les accords de participation et d’intéressement pourraient prévoir des avances en cours d’exercice sur la prime à venir, avances qui seraient au plus trimestrielles. Le trop-perçu éventuel serait reversé par le salarié sous la forme d’une retenue sur salaire. Par ailleurs, un accord d’intéressement pourrait prévoir un salaire plancher et/ou un salaire plafond pour le calcul de l’intéressement en fonction du salaire, afin de favoriser les salariés aux rémunérations les plus basses lors de la répartition ;

 

  • Les plans d’épargne d’entreprise, les PEI et les plans d’épargne retraite d’entreprise (Pereco et Pero) devraient proposer au moins une affectation de l’épargne à un fonds labellisé au titre de la transition énergétique et écologique, ou socialement responsable ;

 

  • Les plafonds applicables aux attributions gratuites d’actions (AGA) seraient assouplis. Le plafond global d’actions gratuites attribuées serait relevé ; l’appréciation du plafond individuel de détention d’actions par un mandataire social ou par un salarié en fonction du capital social serait assouplie.

 

Le 29 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi, étant précisé que les députés l’ont amendé de la manière suivante :

 

  • Ils ont avancé au 1er janvier 2024, à savoir d’un an, la mise en œuvre à titre expérimental des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés non soumises à l’obligation de participation. Aussi, ils ont dispensé de cette expérimentation les sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO). Le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco) interentreprises a été ajouté à la liste des plans d’épargne salariale susceptibles d’être abondés dans le cadre de ce dispositif.

 

De plus, cette obligation à titre expérimental du partage de la valeur a été étendue aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations, mutuelles, coopératives), dont la situation économique le permet et qui n’ont pas de bénéfice net fiscal. Un accord de branche étendu sera nécessaire.

 

  • Concernant la nouvelle obligation de négocier sur les bénéfices exceptionnels, ils ont encadré la définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéficeque pourront retenir les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective (ils ont donc suivi sur ce point l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi).

 

Ainsi, la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice devra prendre en compte « des critères tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice ». Pour rappel, l’ANI ne prévoyait aucun critère.

 

  • Ils ont transposé l’article 4 de l’ANI, pour prévoir l’obligation pour les branches professionnelles d’établir, avant le 31 décembre 2024, un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l’amélioration de la mixité des métiers ;

 

  • Sanctuariser l’article D.3324-40 du Code du travail au niveau législatif afin de clarifier le droit applicable en matière de déclaration des résultats d’un exercice d’une entreprise. L’objectif poursuivi est de permettre aux salariés de bénéficier d’un recalcul des bénéfices de l’entreprise en vue d’une possible revalorisation de leur participation salariale, dans les cas où une erreur de calcul, des manœuvres frauduleuses ou des stratégies d’optimisation fiscale auraient faussé le résultat sur un exercice de l’entreprise ;

 

  • Transposer l’article 15 de l’ANI, ce qui permet à l’accord d’intéressement de prendre en compte des critères relevant de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise;

 

  • Les députés ont également demandé au Gouvernement la remise d’un rapport faisant le bilan de la loi PACTE de 2019, et notamment sur la mise en œuvre de l’obligation relative à la participation.

 

Le projet de loi doit désormais être examiné par le Sénat. Affaire à suivre !

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