Rupture conventionnelle : quand le chantage au paiement du salaire constitue un vice du consentement

CA Lyon 21-1-2022 n°19/04124

Comme le rappelle si bien l’article 1109 du Code civil, il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol (article 1130 du même Code depuis la réforme du droit des contrats de 2016).

En conséquence, lorsque le consentement n’est pas libre et éclairé le contrat est nul. Cette disposition a vocation à protéger la partie dont le consentement est vicié.

C’est sur ce point que la cour d’appel s’est prononcée le 21 janvier 2022 à propos d’une rupture conventionnelle dans laquelle elle a considéré que le chantage au paiement du salaire était constitutif d’un vice du consentement.

En l’espèce, une rupture conventionnelle homologuée par la DREETS (DIRECCTE au moment des faits) a été conclue dans un contexte où l’employeur exerçait un chantage par la promesse du versement arriéré de salaire. En effet, le salarié n’avait pas perçu de salaire depuis 4 mois lorsqu’il s’est vu proposer une rupture conventionnelle. L’employeur a effectué une première régularisation partielle de 1 500 € juste avant la signature de la convention de rupture, puis une seconde de 3 200 € pendant le délai de rétractation.

Ainsi, le salarié pouvait légitimement craindre qu’à défaut d’acceptation de la rupture conventionnelle, il ne soit jamais réglé des salaires impayés. De la sorte, l’appréhension du salarié concernant sa fortune ou ses intérêts patrimoniaux, déterminante de son consentement, était bien caractérisée au moment de la signature de l’acte.

Par conséquent, la cour d’appel de Lyon a reconnu l’existence d’un vice du consentement.

Cet arrêt rappelle donc la liberté du consentement lors d’une rupture conventionnelle, liberté garantie aux articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail.

Les juges du fond vont ainsi prononcer la nullité de la rupture qui produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. De ce fait, le salarié pourra bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sans surprise, cette solution s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle constante puisque dans un arrêt proche des faits de l’espèce, la Cour de cassation a également admis l’annulation d’une convention de rupture. En l’espèce, un salarié avait accepté la rupture conventionnelle sous la menace de voir son employeur ternir son parcours professionnel (Cass.soc. 23-5-2013 n°12-13.865).

En conséquence, il appartient à l’employeur qui signe une convention de rupture avec un salarié de veiller à ne pas la subordonner à la satisfaction d’un droit auquel le salarié pourrait légitimement prétendre.

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