Boire ou escalader, il faut choisir !

La rupture du contrat de travail d’un salarié est-elle justifiée dans l’hypothèse où la lettre de licenciement lui reprochait d’avoir travaillé avec un « taux d’alcoolémie supérieur à la normale », alors qu’en réalité ce dernier était « en état d’ivresse » ?

Dans les faits, un ouvrier a été victime d’un accident du travail alors qu’il se trouvait sur un chantier, en ce qu’il a chuté de la benne d’un camion sur laquelle il s’était posté pour réaliser ses missions.

Un test d’alcoolémie avait alors été réalisé par la gendarmerie, et s’est avéré positif.

Dans la lettre notifiant le licenciement, il lui était reproché d’avoir exécuté des travaux en hauteur « avec un taux d’alcoolémie supérieure à la normale ».

Licencié pour faute grave, le 3 août 2017, l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale pour contester la rupture.

La Cour d’appel la juge cependant bien fondée, au motif que la société rapportait la preuve que le salarié travaillait en hauteur en « état d’ivresse », comportement contraire aux « règles prescrites par le règlement intérieur ».

La Cour de cassation censure toutefois l’arrêt en rappelant le caractère strict de la règle suivant laquelle la lettre de licenciement doit fixer les limites du litige : « le grief d’exécution d’un travail en hauteur en état d’ivresse, fait non visé par la lettre de licenciement et alors que ce document ne visait que des faits d’exécution de travaux en hauteur avec un taux d’alcoolémie au-dessus de la normale ».

En bref, l’employeur doit se montrer précis quant au grief reproché afin de pouvoir se prévaloir d’une violation du règlement intérieur.

Si une telle jurisprudence appelle à la prudence, elle est toutefois consternante, car la différence entre un « taux d’alcoolémie au-dessus de la normale » et un « état d’ivresse » relève de la sémantique, outre que le résultat demeure le même : le salarié étant sous l’emprise de l’alcool, il s’est placé en violation des règles s’imposant à lui, justifiant qu’une sanction soit prononcée à son encontre.

Mais avec cette nouvelle décision absurde, la Cour de cassation passe un message toujours aussi clair : agissez selon vos souhaits, quitte à mettre votre vie en danger, nous serons toujours là pour parvenir à vous indemniser.

 

Cass., soc., 8 mars 2023, 21-25.678

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