Interprétation des clauses d’agrément antérieures à la réforme du 24 juin 2004 […]

Cass., Com, 15 mars 2023, n°21-15.393 et n°21-15808

Dans son arrêt du 15 mars 2023, la Cour de cassation s’intéresse à l’interprétation de la clause statutaire posant une exigence d’agrément pour les cessions, rédigée sous l’empire d’une règle légale abolie qui venait limiter l’agrément aux cessions à des tiers.

 

1. Le cadre légal 

Cet arrêt traite de l’application de la loi dans le temps, et plus particulièrement de l’ordonnance n°2022-604 du 24 juin 2004, venu modifier l’article L228-23 du Code de commerce relatif à l’agrément pour les cessions d’actions.

Antérieurement à la réforme, le champ de l’agrément était limité à la cession d’actions à un tiers. Le droit nouveau supprime cette exigence et permet aux statuts d’imposer un agrément pour les cessions entre actionnaires.

 

2. Les faits

En l’espèce, les statuts d’une société anonyme rédigés en 1985 stipulent que « sauf dispense de la loi, toute cession ou transmission d’actions quelles qu’en soient la nature et la forme est soumise à l’agrément préalable du conseil d’administration ».

En 2018, une actionnaire cède ses actions à son oncle, qui les cèdent le lendemain à son fils, lui-même actionnaire.

Considérant que les cessions successives étaient frauduleuses car elles ont été réalisées dans l’unique but d’échapper à l’obligation d’agrément, l’actionnaire majoritaire refuse d’inscrire celles-ci sur le registre des mouvements de titres et continue de considérer que la cédante étant toujours actionnaire.

Les cessionnaires saisissent le juge afin qu’il ordonne que les cessions soient inscrites dans les livres de la société, et qu’il prononce la nullité des résolutions adoptées lors des assemblées générales postérieures à l’opération.

La Cour d’appel rejette leurs demandes, considérant que la clause d’agrément devait être lue à la lumière de la réforme de 2004, et qu’elle s’appliquait dès lors aux cessions entre actionnaires. Elle reconnaît par ailleurs que l’enchaînement rapide des deux cessions était le signe d’une fraude.

Les cessionnaires se pourvoient en cassation.

 

3. L’avis de la Cour de cassation 

La Cour de Cassation casse l’arrêt au motif que la Cour d’appel n’a pas recherché l’intention des parties à la date de l’adoption des statuts.

Elle est en effet tenue de vérifier si les actionnaires avaient eu l’intention de soumettre le périmètre des clauses d’agrément de ces sociétés à toutes les modifications légales ultérieures ou si, au contraire, prenant en compte l’impossibilité légale, alors en vigueur, de soumettre à agrément les cessions d’actions entre actionnaires, ils avaient entendu soumettre à agrément, sous réserve des dérogations expressément prévues dans les statuts, les seules cessions d’actions à des tiers.

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