La qualification de l’opération de paiement non autorisée

Dans un arrêt en date du 30 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise la définition de la notion d’opération autorisée au sens du Code monétaire et financier.[1]

Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 novembre 2022, n° 21-17.614

Le contentieux autour des instruments de paiement avec données de sécurité personnalisées – telles que les cartes de crédit – est particulièrement riche. Pourtant, il est rare que les décisions sur ce sujet fassent l’objet d’une publication.

Dans cet arrêt, publié dans l’édition du 30 novembre 2022 des sélectives Lettres de chambres, la Cour de cassation s’exprime en faveur de la victime d’un vol lors d’un retrait bancaire.

L’affaire commence par un simple retrait physique d’espèces. Après que le client a inséré sa carte bancaire et a composé son code secret sur un distributeur automatique de billets, un tiers retire 900 euros à son insu. Le code secret a bien été entré par le client mais pas le montant, que le voleur a lui-même composé.

Le client formule ensuite une demande de remboursement auprès de sa banque que celle-ci refuse. Après l’échec des négociations à l’amiable, l’affaire est portée devant le tribunal.

Le 7 mai 2021 le tribunal judiciaire de Paris rejette la demande de remboursement du client, considérant qu’il ne s’agit pas d’un retrait frauduleux – engageant la responsabilité de la banque et justifiant donc le remboursement par celle-ci de la somme dérobée – mais bien d’un classique vol d’espèces.

Le litige ne portant que sur une somme de 900 euros, le client ne peut pas faire appel de la décision du tribunal judiciaire (en vertu de l’article R. 211-3-24 du Code de l’organisation judiciaire). Un pourvoi en cassation est donc formé. Le client reproche au tribunal d’avoir violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du Code monétaire et financier qui imposent à l’établissement bancaire le remboursement rapide des opérations non autorisées.

L’opération est-elle autorisée ou non dans cette situation ?

Autrement dit, l’opération peut-elle être considérée comme « autorisée » si le client saisit son code de carte bancaire à un distributeur puis qu’un tiers compose le montant et prend les billets ? Pour répondre à cette question, la chambre commerciale invoque les articles L. 133-3 et L. 133-6 du code précité. La solution n’y est pas clairement énoncée. La Cour combine donc les deux articles pour déduire qu’une opération est autorisée « uniquement si le payeur a également consenti au montant de l’opération » ; une réponse claire et précise qui méritait bien une publication.

Pour résumer, un retrait d’espèce à un distributeur automatique de billet ne peut être considéré comme une opération autorisée au sens du code monétaire et financier que s’il satisfait à deux conditions cumulatives : le client a renseigné son code secret et il a indiqué le montant du retrait. La Cour adopte ici une approche résolument favorable au consommateur.

La suite de l’arrêt est des plus logiques. L’opération étant considérée, en l’espèce, comme non autorisée, la législation protectrice énoncée aux articles L. 133-24, L. 133-18 et L. 133-19 du Code monétaire et financier aurait dû être appliquée par le tribunal judiciaire. La banque aurait dû rembourser le client. L’arrêt est donc cassé pour erreur de droit.

Cette décision fait écho à un arrêt rendu le 9 février dernier pour des faits sensiblement similaires mais à l’occasion duquel la chambre commerciale s’était contentée de casser pour insuffisance de base légale.[2] La décision attaquée n’avait pas vraiment identifié si l’opération était autorisée ou non. Il s’agit pourtant d’une étape indispensable avant d’étudier la responsabilité éventuelle du client.

[1] Voir aussi à propos de cet arrêt : Cédric Hélaine, « De l’art de qualifier une opération de paiement non autorisée », Dalloz Actualité, 6 décembre 2022.

[2] Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 février 2022, n°19-23.886

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