Le dossier médical, propriété sacrée du patient

Écrit le
1 novembre 2022

Toute personne a le droit d’avoir accès à ses données de santé, et plus spécifiquement encore à son dossier médical.

Ainsi, l’article L.1111-7 du Code de la Santé Publique dispose clairement que :

« Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels de santé, par des établissements de santé (…) qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu’un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa. Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions. Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance, la personne chargée de l’assistance peut accéder à ces informations avec le consentement exprès de la personne protégée.

(…)

Sous réserve de l’opposition prévue aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1, dans le cas d’une personne mineure, le droit d’accès est exercé par le ou les titulaires de l’autorité parentale. A la demande du mineur, cet accès a lieu par l’intermédiaire d’un médecin.

En cas de décès du malade, l’accès au dossier médical de ce malade des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du médecin prenant en charge une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 s’effectue dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du V de l’article L. 1110-4.

La consultation sur place des informations est gratuite. »

Ledit article confirme donc le droit à toute personne d’accès à son dossier médical.

Il n’y a cependant pas de dossier médical unique dans la mesure où chaque praticien avec lequel le patient est en relation disposera d’un dossier médical : hôpital, clinique, médecin libéral, spécialiste, etc…

Un patient qui souhaiterait récupérer l’ensemble de ses données devra donc se rapprocher de l’ensemble des professionnels de santé ayant eu à connaître de sa santé, et réclamer auprès de chacun d’eux le dossier comprenant les informations liées à son suivi, et au professionnel de santé concerné.

De nombreux documents sont accessibles au patient concerné, et notamment :

  • Résultats d’examen
  • Comptes-rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation
  • Protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre
  • Feuilles de surveillance
  • Correspondances entre professionnels de santé.

À l’inverse, certains documents ne sont pas communicables au patient ou à ses représentants :

  • Informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique
  • Les informations relatives au tiers intervenant tels qu’un membre de la famille par exemple,
  • Certaines notes des professionnels de santé pouvant être considérées comme personnelles.

Cependant, tout document contribuant à l’élaboration ou au suivi du diagnostic devra être communiqué, tout comme les documents liés au traitement ou à un acte de prévention.

 

Ce droit trouve ainsi également à s’appliquer en toute circonstance, et notamment dans le cadre de l’expertise médicale, en matière de dommages corporels.

C’est ainsi que récemment, la Cour de Cassation a eu à trancher que la victime était en droit d’obtenir de l’assurance communication des notes techniques établies durant expertise par le médecin conseil d’assurance, dans la mesure où lesdites notes comportaient des éléments médicaux et que le patient dispose d’un droit d’accès à ses données de santé.

Cass. 2e civ., 30 sept. 2021, n° 19-25.045,

« Il résulte de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique qu’il appartient, d’une part, au médecin conseil de l’assureur, chargé de procéder à l’expertise d’une victime, de communiquer à celle-ci les informations relatives à sa santé, recueillies au cours de l’expertise, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, d’autre part, à l’assureur auquel le médecin conseil a transmis des informations concernant la santé de la victime de s’assurer que ce médecin les a communiquées à celle-ci.

Encourt dès lors la cassation l’arrêt qui déboute l’assuré de sa demande, au titre de l’article 145 du code de procédure civile, de communication des notes techniques établies par le médecin conseil de l’assureur, comportant des éléments médicaux, alors que celui-ci disposait d’un droit d’accès aux données de santé le concernant figurant dans ces notes techniques et justifiait, en conséquence, d’un intérêt légitime à les obtenir de l’assureur. »

Plus récemment encore, il a été décidé par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, par arrêt du 5 octobre 2022 (n° de pourvoi 21-12.542) que le médecin expert qui s’était vu communiqué par les parties, des pièces dématérialisées, nécessaires à l’accomplissement de sa mission, se devait de les leur restituer au terme de sa mission.

Le fait de ne pas avoir conservé lesdites pièces constituant une faute du médecin sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, ainsi que de l’article 243 du code de procédure civile.

« Il résulte des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, et 243 du code de procédure civile que l’expert se fait communiquer par les parties les pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission et qu’au terme de ses opérations, il lui incombe, sauf dispense des parties, de leur restituer les pièces non dématérialisées.

Après avoir relevé que l’expert ne contestait pas avoir reçu les pièces nécessaires à la réalisation de la mesure, et ne pas avoir été en mesure de les restituer, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’en se dessaisissant des pièces médicales remises par M. [R] [D] et Mme [N] [D] sans s’assurer de leur accord, l’expert avait commis une faute. »

Le droit d’accès aux informations médicales contenues au dossier médical de chaque patient est par conséquent un droit protégé, pouvant engager, selon les cas, la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé qui ne respecterait pas ce droit.

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