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L'EMPLOYEUR NE PEUT RETIRER UN VEHICULE DE FONCTION SANS L'ACCORD DU SALARIE
L’arrêt du décembre 2020 permet de mettre en lumière les enjeux de la qualification juridique d’un véhicule mis à disposition par l’employeur auprès du salarié, qui n’est pas sans conséquences.
Il convient en effet de distinguer le véhicule de fonction, du véhicule de service.
Le véhicule de fonction peut être utilisé par le salarié dans le cadre de sa vie privée. A ce titre, il constitue un avantage en nature qui est intégré dans la structure de la rémunération.
Le Véhicule de service quant à lui, n’est destiné qu’à des fins professionnelles. Il ne constitue pas un avantage en nature.
Ici, la chambre sociale ne fait que rappeler une règle qui s’applique en cas d’attributions d’avantages en nature. Ces derniers font partie des éléments de rémunération, et toute modification nécessite l’accord du salarié.
Les faits sont relativement simples. Un employeur a décidé unilatéralement de supprimer le véhicule de fonction du salarié en informant préalablement celui-ci, et en précisant que la valeur de l’avantage sera intégrée à sa rémunération brute mensuelle.
Le salarié a toutefois refusé de restituer le véhicule, en expliquant que selon lui, la suppression d’un avantage en nature affecte la structure de la rémunération, et qu’ainsi il s’agissait d’une modification du contrat de travail qui nécessitait son accord.
Après avoir prononcé une mesure de mise à pied conservatoire, l’employeur décide de le licencier pour faute grave, pour contestation de son pouvoir de direction.
Le licenciement est néanmoins jugé infondé. En effet, dès lors que le véhicule avait la qualification d'avantage en nature, son retrait constituait une modification du contrat de travail qui nécessitait impérativement l'agrément du salarié.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'employeur et retient la même solution.
A cet égard il convient de rappeler la distinction entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail.
Dans le premier cas, toute modification suppose l’accord du salarié, à défaut l’employeur ne peut le sanctionner ni le licencier pour ce motif.
Dans le second cas, tout changement de conditions de travail, ne relève pas de la sphère du contrat de travail, mais du pouvoir de direction de l’employeur, et ne nécessite pas l’accord du salarié. S’il refuse, ce dernier est susceptible d’être sanctionné.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
La fonction de la rémunération variable est d'inciter à la performance individuelle et/ou collective puis de la reconnaître et de la valoriser. Elle a pour but de motiver, c'est à dire d’encourager les salariés à orienter leurs actions et adapter leur comportement afin de produire la performance attendue par l'entreprise.
L’employeur est donc en droit de fixer des objectifs à tous les salariés ou à une ou plusieurs catégories d’entre eux. Il peut également lier la rémunération du salarié à l’atteinte d’objectifs, en prévoyant une clause en ce sens dans le contrat de travail.
Dans sa décision du 25 novembre 2020, la Haute Cour est venue nous éclairer sur l’impact d’une communication tardive de tels objectifs par l’employeur.
En l’espèce, ceux-ci n’avaient pas été complètement fixés pour une année par l’employeur. Le salarié percevait alors une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable, qui dépendait d'objectifs fixés unilatéralement par ce dernier.
Le salarié réclamait ainsi le paiement de sa rémunération variable pour l’année 2013, et plus précisément le versement d’un bonus maximum, en raison d’une communication tardive des objectifs à atteindre.
Pour la Cour d’Appel, de tels objectifs étaient bel et bien inopposables au salarié ; il pouvait donc prétendre à un bonus quasi intégral.
Toutefois, la Cour de cassation va encore plus loin en estimant que les objectifs servant à la détermination du montant de la rémunération variable pour l'année 2013 ayant été fixés trop tard, cette rémunération devait être versée intégralement au salarié, et à hauteur du bonus cible maximum.
Il résulte de cette décision deux enseignements majeurs :
- lorsque la clause du contrat de travail prévoit la fixation unilatérale des objectifs, l’employeur doit les fixer dans le délai indiqué par le contrat de travail ;
- L’employeur qui ne fixe pas ses objectifs au salarié reste néanmoins tenu de lui verser sa prime ou sa rémunération variable en totalité, et à hauteur du maximum prévu.
Ce dernier a donc tout intérêt à communiquer au plus tôt les objectifs à atteindre, notamment lorsque ceux-ci permettent de déterminer la part variable de la rémunération !
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
La démission est une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de mettre un terme à la relation de travail qui le lie à son employeur.
Les juges vérifient ainsi, en cas de litige, de manière systématique, si au moment où elle a été donnée elle caractérisait bien une volonté indéniable du salarié de mettre fin à son contrat de travail.
Il en résulte qu’aucune interprétation de la part de l’employeur, même en cas d’absence continue du salarié, n’est admise. Et c’est bien là tout l’apport de la Haute juridiction à travers sa décision du 25 novembre 2020.
En l’espèce, un salarié était interrogé par son employeur sur sa présence à une réunion, ce à quoi il avait répondu par sms « ne compte pas sur moi ». Au lendemain de cet échange, ce dernier ne se présentait plus à son poste, et ne répondait plus à aucune sollicitation, sans aucune explication. Après plusieurs courriels de relance, l’employeur en a déduit que le salarié avait démissionné, et bien évidemment cessait de le rémunérer.
Cependant, deux ans plus tard, ce même salarié intentait une action en justice contre son employeur en arguant que ce dernier aurait cessé de lui fournir du travail. Il sollicitait alors la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si la Cour d’Appel a adopté la position de l’employeur et estimé que la rupture du contrat de travail constituait bien une démission, telle n’a pas été celle de la Haute Cour qui, une nouvelle fois, a rappelé qu’une démission ne se présume pas, même dans le cas où un salarié cesserait de venir travailler du jour au lendemain.
Aberrant, atterrant.
Ce raisonnement qui n’est pas inédit, reste en effet pour le moins lunaire dans la mesure où il cautionne un droit à l’autolicenciement du salarié au détriment de l’employeur qui n’aurait d’autre alternative que de licencier ce dernier.
En d'autres termes, la mauvaise foi du salarié qui n'assume pas son départ doit être récompensée par le bénéfice du chômage du fait du licenciement (pour faute grave dans un tel cas).
En cassant la décision de la Cour d’Appel, la Haute juridiction ne fait toutefois que confirmer un positionnement adopté depuis déjà bien longtemps.
Ce qui demeure choquant c'est qu'ici, le salarié qui a disparu depuis 2 ans a obtenu des dommages et intérêts pour licenciement infondé.
On marche littéralement sur la tête.
Cet arrêt nous rappelle donc, qu’en aucun cas l’employeur ne doit considérer qu’un salarié absent est démissionnaire, et ce même si ce dernier a au préalable menacé de ne plus venir travailler, ou qu’il refuse de répondre aux demandes de son supérieur. Il appartient donc à l’employeur placé dans une telle situation de mettre ce dernier en demeure de reprendre son poste, et le cas échéant, de tirer les conséquences de ce refus, en engageant une procédure de licenciement à son encontre pour absence injustifiée, ou abandon de poste.
Il est à espérer qu’un revirement jurisprudentiel soit opéré à l’avenir sur ce point, afin d'en revenir à un peu de bon sens !
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Cass. soc., 9 déc. 2020, n° 19-17.092
Tout licenciement pour inaptitude ouvre droit pour le salarié concerné à une indemnité conventionnelle sous condition que cette dernière soit plus favorable que l’indemnité légale.
Dès lors, l’employeur qui voudrait insérer une clause qui limiterait l’attribution de cette indemnité conventionnelle, notamment en cas de licenciement pour inaptitude, serait confronté à la nullité de cette dernière.
C’est du moins ce qu’il ressort de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 décembre 2020, qui bien que ne faisant pas preuve d’innovation sur la question, est venu rappeler qu’une telle clause devait être considérée comme discriminatoire, et donc nulle.
En l’espèce, un accord d’entreprise prévoyait des modes de calculs différents en fonction du motif de licenciement du salarié. Il était ainsi prévu que le montant maximum de l’indemnité pour inaptitude et pour motif disciplinaire serait inférieur à celui prévu pour les autres motifs de licenciement.
La salariée contestant la validité de cette clause au regard du préjudice qu'elle estimait lui causer suite à son licenciement, elle saisissait le conseil de prud'hommes pour la voir déclarer nulle.
Les juges du fond ont accueilli ses demandes, estimant qu’une telle clause était discriminatoire car en lien avec l'état de santé, et que de ce fait elle devait bien être frappée de nullité.
De son côté, l’employeur qui s’est pourvu en cassation, arguait que le plafonnement de cette indemnité n’était aucunement fondé sur le critère retenu, mais bien sur l’inactivité du salarié en raison de cette inaptitude.
Si cette position peut s’entendre, elle a néanmoins été rejetée par la Haute Cour qui a adopté la même position que les premiers juges, et confirmé qu’une telle clause devait être considérée comme nulle car en réalité indirectement fondée sur l’état de santé.
C’est donc dans la continuité de l’arrêt rendu le 8 octobre 2014, que la Cour de Cassation a rappelé qu’en matière d’indemnité de licenciement le salarié licencié, quel qu'en soit le motif, ne peut être écarté du bénéfice du montant maximum prévu par la convention collective ou la loi.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Dans une décision inédite du 9 octobre 2020, le Conseil d’Etat précise les modalités d’appréciation du délai minimum devant séparer la convocation à l’entretien préalable à un licenciement d’un salarié et le jour de cet entretien.
Au cas présent, une société a demandé l’autorisation de licencier un salarié protégé à l’Inspection du travail, qui la lui a accordée. Après un recours hiérarchique du salarié, le Ministre du travail a annulé la décision de l’Inspecteur du travail et a refusé d’accorder l’autorisation de licenciement et ce pour non-respect du délai de cinq jours devant séparer la convocation du salarié à un entretien préalable et le jour de cet entretien.
Dès lors, la société a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du Ministre du travail. Celle-ci l’ayant débouté, elle a ensuite interjeté appel du jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Nancy, qui l’a rejeté. La société s’est alors pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, les dispositions de l’article L.1232-2 du Code du travail énonçant que « l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ».
Or, il ressort des faits que le pli recommandé convoquant le salarié à un entretien préalable du 8 novembre 2013, a été présenté à son domicile le 31 octobre 2013, sans succès et sans la délivrance d’un avis de passage.
Par conséquent, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy ayant retenu que la vaine présentation du pli non accompagnée de la remise d’un avis de passage ne peut être prise en compte pour apprécier le délai minimum devant séparer la présentation de la convocation à l’entretien préalable au licenciement et cet entretien. Le pourvoi de la société est, dès lors, rejeté.
Ainsi, lorsque le courrier n’a pu être délivré au salarié et à défaut d’un avis de passage, le délai minimum de cinq jours prévu par la loi ne commence pas à courir.
Cette décision vient rappeler l’importance accordée au respect de la procédure de licenciement, et notamment à ce délai, qui constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement, et justifie le rejet de la demande d’autorisation du licenciement par l’administration (CE, 20 mars 2009, n°312258).
L’aberration reste, ici, que l’employeur supporte les carences des services postaux alors qu’il n’en a aucune maîtrise.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Ord. 2020-1441 du 25 novembre 2020, JO du 26
A l’instar du premier confinement le gouvernement est venu rétablir certaines mesures dérogatoires mises en place lors de l’Etat d’urgence.
L’ordonnance du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel, qui s’appliquera jusqu’au 16 février prochain, vient donc simplifier les formes de consultation du CSE.
Ainsi, que ce soit par visioconférence, conférence téléphonique ou messagerie instantanée, il est désormais possible pour l’employeur de réunir le CSE autant de fois que possible, sous condition d’information préalable des élus.
A préciser que la consultation par conférence téléphonique ou messagerie instantanée n’est possible qu’à défaut d’une consultation par visioconférence, ou si elle est prévue par accord d’entreprise.
Toutefois, cette ordonnance prévoit 4 hypothèses de consultations pour lesquelles le CSE, par décision à la majorité des élus, et à la condition que l’employeur n’ait pas déjà usé de son quota de trois visioconférences sur l’année, aurait la possibilité d’émettre un refus à ces formats de consultation, on y retrouve :
Ce refus doit être notifié au plus tard 24 heures avant le début de la réunion.
En conséquence, un refus valable de la part du CSE conduira à une tenue de la consultation en présentiel.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Par un arrêt du 12 novembre 2020, la Cour de cassation apporte quelques éclaircissements sur les manquements de l’employeur qui ne sont pas suffisamment graves pour entraver la poursuite du contrat de travail.
Dans cette affaire, le chauffeur d’une société placée en liquidation judiciaire, a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Par la suite, il saisit les juridictions prud’homales aux fins de paiement d’heures supplémentaires non rémunérées, de repos compensateurs et des congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé ainsi que diverses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, notamment des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il reprochait notamment à la société d’opérer des retenues intitulées « dépassement téléphone » sur son salaire pendant deux mois, et d’avoir instauré des coupures d’une durée de douze à quinze heures quatre fois par semaine, sur un parking.
La Cour d’appel de Rennes a reconnu dans sa décision que de telles retenues étaient illicites et que l’employeur avait rendu les conditions de travail du salarié pénibles.
Néanmoins, elle a considéré que « ces manquements n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ».
Saisie d’un pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation approuve un tel raisonnement, préservant le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
En effet, lorsque le salarié décide de rompre son contrat de travail pour des faits qu’il reproche à l’employeur, il appartient aux juges du fond de les examiner et de juger s’ils représentent des manquements suffisamment graves empêchant, dès lors, la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 19 janvier 2005, n° 03-45.018 FS-PBRI).
Si tel est le cas, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A défaut, ce sera une démission (Cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-42.335 FS-PBRI).
Par conséquent, il convient ici de retenir que des retenues de salaires sur 2 mois et des conditions de travail désagréables sont bien des manquements de l’employeur, mais qui ne justifient pas une prise d’acte du salarié.
Tout ceci reste bien factuel et rend difficile une parfaite appréciation des circonstances permettant au salarié de rompre le contrat aux torts de son employeur. On peut toutefois les rapprocher de la faute grave nécessaire à l’entreprise pour licencier son salarié : il faut réellement des griefs forts et inadmissibles.
Tel n’était assurément pas le cas en l’espèce.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Par un arrêt publié du 25 novembre 2020, la Cour de cassation a eu l’occasion de redéfinir les critères du coemploi, situation permettant à des salariés licenciés et liés par plusieurs employeurs d’obtenir la condamnation in solidum de ces derniers.
Au cas d’espèce, un groupe japonais AGC a fait l’acquisition du groupe David composé notamment de la société David miroiterie. La filiale française d’AGC exerçait alors la présidence de cette société. Cette dernière a fait l’objet d’une cessation d’activité et plusieurs salariés ont été licenciés pour motif économique.
Les salariés ont ainsi saisi le Conseil de prud’hommes de demandes en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.
La cour d’appel a reconnu une situation de coemploi sur le fondement de plusieurs critères dont notamment la gestion de la trésorerie, la gestion des ressources humaines de la filiale par la société mère, laquelle lui facturait ce service et sa gestion administrative par une autre filiale moyennant redevance.
Les juges d’appel ont notamment fondé leur solution sur la définition du coemploi, antérieurement retenue par la Cour de cassation en 2014, qui regroupe le critère de triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale allant au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe, pour caractériser une telle situation. (Cass. soc., 2 juillet 2014, n°13-15.208)
Néanmoins, le coemploi se devant de rester une situation exceptionnelle, la juridiction suprême vient restreindre cette notion. Ainsi, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, en statuant que :
« hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière » .
Les juges de cassation sont catégoriques : en dehors du lien de subordination, il faudra désormais apporter la preuve d’une immixtion permanente de la société mère avec une perte totale d’autonomie de la filiale.
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
La rupture du contrat de travail d’un salarié protégé à l’initiative de l’employeur fait l’objet d’un formalisme rigoureux, nécessitant au préalable une autorisation de l’administration.
Dès lors, d’un point de vue pécunier, une illégalité de cette décision peut donc être à l’origine de conséquences dommageables importantes pour l’employeur.
Dans un arrêt du 4 novembre 2020, le Conseil d’Etat a apporté quelques précisions sur l’engagement de la responsabilité étatique en cas de refus illégal d’autorisation, en raison d’un vice de procédure.
Au cas d’espèce, il s’agissait du licenciement d’un salarié pour inaptitude qui avait été refusé par l’administration pour manquement à son obligation de recherche sérieuse de reclassement de la part de l’employeur.
Cette décision, confirmée par le Ministre, a ensuite été infirmée par un jugement du Tribunal administratif ayant acquis l’autorité de la chose jugée (devenu irrévocable). Dès lors, l’employeur décidait d’engager la responsabilité de l’Etat pour obtenir réparation du préjudice découlant de cette illégalité.
Cependant, ses demandes ont été rejetées par le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel, et portées devant la Haute juridiction.
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a rappelé que le principe selon lequel un refus illégal d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'employeur, pour autant qu'il en découle pour celui-ci un préjudice direct et certain.
Dans un second temps, la juridiction suprême a précisé que si cette illégalité découle d’un vice de procédure, le juge administratif doit rechercher si la même décision aurait été prise dans le cadre d’une procédure régulière.
Cette précision est pour le moins légitime puisque l’existence d’un vice de procédure ne présume pas de l’absence de bien fondé de la décision. Pourtant, telle a été la position du Tribunal Administratif en l’espèce qui, saisit de cette question, s’était borné à apprécier uniquement le vice de procédure sans s’intéresser à la légitimité de la décision rendue par l’administration.
Le Conseil d’Etat, en annulant la décision et en la renvoyant devant la Cour d’Appel de Lyon, rappelle ainsi que le juge administratif doit apprécier le fond de l’affaire et rechercher si l’autorisation aurait été accordée ou non, hors vice de procédure !
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte
Par un arrêt publié du 30 septembre 2020, la Cour de cassation précise la sanction du défaut de consultation du CSE en cas d’inaptitude non professionnelle.
Au cas d’espèce, un salarié, engagé en qualité de conducteur par une société de transport, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
L’employeur n’ayant pas soumis les propositions de poste à l’avis des délégués du personnel, le salarié saisit les juges prud’hommaux de demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité de préavis, outre les congés payés.
La cour d’appel rejette ses demandes. Elle constate, en premier lieu, que l’obligation de consultation des délégués du personnel n’avait pas été respectée. Néanmoins, elle en conclut que cela n’a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que la loi ne prévoit de sanction que dans le cadre d’une inaptitude professionnelle.
Les juges suprêmes censurent cette décision. Ils rappellent qu’en cas d’inaptitude non professionnelle, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que pour certains motifs, notamment s’il justifie de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévus à l’article L.1226-2 du Code du travail.
Or, ce texte prévoit que la proposition de poste doit être soumise à l’avis du CSE. La Cour de cassation en conclut que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ».
La solution était attendue compte tenu du silence de la loi. En effet, si pour l’inaptitude professionnelle, le Code du travail prévoit déjà une sanction, il reste muet s’agissant de l’inaptitude non professionnelle.
La Cour de cassation répond ainsi aux interrogations tout en conservant une distinction entre l’inaptitude professionnelle et l’inaptitude non professionnelle.
En effet, le salarié licencié pour inaptitude non professionnelle, sans que l’employeur ait consulté les délégués du personnel, pourra recevoir une indemnité soumise au barème Macron (article L.1235-3 du Code du travail) tandis que dans le cadre d’une inaptitude professionnelle, il bénéficiera d’une indemnité d’au moins 6 mois de salaires (article L. 1226-15 du Code du travail).
Auteur : Arnaud Blanc de La Naulte